En Quête de Mots

En librairie dès le mois de février 2021.
l’ensemble de mes œuvres poétiques en français à ce jour.

On pourra y trouver la chronique suivante de l’écrivain Mohammed Khaïr-Eddine à propos de mon premier recueil de poésie qui est repris ici en première partie de cet ouvrage paru dans les années 80 sous le même titre. 

                   Une poésie à la limite de l’ironie


Mohammed Khaïr – Eddine

Chronique parue In «Le Matin du Sahara » 
Supplément du 13 au 20 Avril 1986

Driss Alaoui est un économiste, mais aussi un poète dont les connaissances prosodiques et les rythmes sont patents. Je le situe d’emblée dans la lignée d’un Jules Laforgue et d’un Prévert, car il bâtit toute sa conception de la poésie sur l’ironie. On pourrait du même coup lui trouver un ancêtre dans Voltaire. Il faut croire que la culture atteint ici son niveau maximal ; elle n’est pas tant une répétition qu’un mouvement perpétuel, une sorte d’ordonnée chargée de signifiants historiques. Mais l’histoire entrevue dans ce livre est avant tout celle d’une vie d’homme, c’est d’ailleurs ce qui lui donne un ton très particulier. Voici donc une autre dimension de la poésie où le drame temporel affleure et donne à voir ; il donne à voir des déroulements d’images où sont contenues des incidences rapides qui mettent en relief des séquences avec une rare netteté. Mais c’est de l’urgence poétique qu’il s’agit. Loin de toute intellectualisation de la pensée et du comportement ontologique, c’est bien la pensée à nue que l’on observe dans ces beaux textes avec ce même plaisir dont m’avait longuement entretenu la littérature depuis l’Antiquité jusqu’à Roland Barthes et que nous retrouvons dans les écrits les plus rares qui ne sont jamais autre chose qu’une forme de catharsis, autrement dit d’exutoire. C’est la vertu principale de la poésie que de libérer l’homme de ses peurs géologiques qui cisaillent sa mémoire et dont tous ses atomes portent l’empreinte indélébile. À quoi rime, au juste, tout cela ? Il rime à une grande teneur poétique, diverse et d’une force humoristique capable de changer les moments les plus tristes en un évènement conséquent. Cette écriture est un cas dans la littérature marocaine francophone… Eh bien ! voici une analyse des poèmes de Driss Alaoui : tout d’abord le langage se constitue chez lui à partir de l’onomatopée essentielle ; et c’est le sens phonétique qui est ici primordial, car il met en action des ensembles allégoriques dont la symbolique flamboie prodigieusement. Cette clarté est incisive ; le regard aigu qui en est l’élément primitif et le vecteur la transforme en vies parcellaires, en peuples congénères qui transgressent même leur liberté. Avec tout le vécu ambiant, Alaoui correspond avec une certaine aliénation qu’il transfigure en un acte unique : l’objet écrit et le Dit permanent, un dit si historique que nous sommes parfois obligés de recourir aux plus anciens textes pour le saisir, voilà la vérité. Une vérité où ne circule rien de moins qu’un rire ancien, celui de l’hypocrisie et de la déraison. Un rire tranchant et clair, aussi indispensable que la bouffée d’oxygène qui libère le cœur et l’esprit et balise la route de la liberté. Les équilibres allitératifs et phonétiques impriment à ces textes des images appropriées ; ils sont tous d’une structure linguistique capable de vocaliser la moindre exiguïté des êtres et des choses. Et c’est bien ce qui nous enchante le plus. Oui, nous respirons à cette lecture et nous redécouvrons nos potentialités les plus secrètes, des mystères enfouis dans l’inconscient collectif du monde, mystères qui sont à la fois une mythologie et un vaste miroir. 

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