24 Août Lundi 24 Août 2020
Ecrit, lu, vu, parlé, mangé, marché. Une journée somme toute semblable à tant d’autres. Parfois, je me demande s’il est de quelque utilité que ce soit de tenir un journal, et surtout de mettre en ligne des extraits, puis je me ravise. Pourquoi ? Je n’ai pas de réponse. Je le fais, c’est tout. S’il me fallait trouver une réponse à tout prix, je dirais que c’est le temps qui passe et qui m’incite à écrire parce que cela me procure du plaisir et que cela m’oblige à regarder à l’intérieur de moi – même. En parlant d’intérieur, je vais aller habiter à la campagne, m’équiper en énergie solaire et acheter un de ces animaux à l’intelligence peu commune, un âne, mais un âne avec une charrette. Sans doute, est – ce d’avoir parlé, il y a quelques jours, à un de mes enfants de l’âne de Buridan qui ne savait choisir entre un seau plein d’avoine et un seau plein d’eau, qui m’a inspiré. Ne sommes – nous pas tous à un moment ou l’autre des ânes de Buridan ? En ce moment où je prends de l’avoine avec du lait au petit déjeuner, j’ai l’impression finalement d’avoir choisi l’avoine, un peu contraint et forcé à cause de mes histoires de santé. Cela me rappelle aussi «Les Mémoires d’un Âne» de la Comtesse de Ségur que j’ai lu, adolescent, avec délectation. Me revient également en mémoire une cavalcade entre le Ksar Jdid et Ksar Abou Abdillah à dos d’un ânon non bâté lors d’une visite à Mdaghra à l’âge de douze ou treize ans avec mon père. Je ne savais pas avant cela que l’animal est très instable. Je l’ai appris quand il s’est mis à caracoler et m’a traitreusement jeté par terre pendant qu’il poursuivait sa course folle en poussant, moqueur, des braiements tonitruants. Et puis, j’ai souvenance de cette photo mythique publiée dans un journal quand on a ouvert une double voie pour la sortie de Casablanca dans les années quatre – vingt : un âne, têtu comme seuls les ânes savent l’être, à califourchon sur le muret séparant les deux voies avec son propriétaire essayant vainement de le faire basculer. Une image parfaitement parlante symbolisant ce qui peut se produire dans toutes sortes de situations où on ne veut ni aller de l’avant ni reculer. Et puis encore, une exportation d’ânes du Maroc vers la France à la même période, sûrement dans l’espoir d’aider ce pays qu’on dit « des lumières » à régler quelque problème délicat.
Et puis… et puis il y a eu aussi le magazine français freudien/lacanien de psychanalyse des années quatre – vingt qui avait choisi le nom du doux équidé comme titre et que j’ai acheté pendant quelques temps. En visitant il y a peu d’années « Le Fandouk Américain » de Fès, fondé en 1929 par des américains, pour soigner les équidés malades j’ai pu en voir quelques – uns qui cachaient leur souffrance derrière leur regard indifférent, contents d’échapper ainsi à quelque ânier vindicatif. Une américaine qui avait visité le Maroc à cette époque, Bessie Dean Cooper, avait écrit une série d’articles qui ont attiré l’attention des donateurs suite à un séjour dans la bonne ville de Fès : « Aucun animal la – bas ne peut être considéré comme heureux. Les chiens sont particulièrement maltraités, les équidés – chevaux, mules, chameaux et surtout les ânes – sont probablement les plus malheureux… ».
Et puis, il y a le fameux Rogui Bouhmara, alias Jilaliben Abdeslam Al- Youssoufi Azzarhouni, qui eut maille à partir avec MoulayHafid en se faisant passer pour Moulay Mohammed, un des fils de MoulayHassan Ier, avant de terminer sa carrière dans une cage et de finir dansl’estomac de quelque lion affamé, selon ce que racontent d’aucuns….
Enfin, voilà que l’équidé se rappelle de façon moins dramatique à mon bon souvenir aujourd’hui via CNN, les prochaines élections présidentielles américaines aidant, en tant que symbole du Parti Démocrate. Quant au Parti Républicain, je parlerai de l’éléphant le moment venu. En tout cas, l’âne est un animal pour lequel j’éprouve une réelle sympathie, ne serait – ce qu’en souvenir de ceux qui empruntaient « Talaâ Kbira » à Fès, le dos chargé de marchandises et conduits par des âniers criant à tue – tête : « Balak, Balak… ». ….Parcourant les Mémoires d’Aherdan en ce moment, je rencontre au détour d’une page ce jugement si juste à propos de certains politiciens que lui aurait confié Lahcen Lyoussi, ancien ministre de l’intérieur sous Mohammed V : « Le pouvoir, tu le sais bien, peut faire passer un âne aux longues oreilles pour un coursier aux fines attaches ». Il est vrai que certains politiciens, d’ici et d’ailleurs, méritent indubitablement la coiffe de cet animal, au demeurant sympathique, que nos instituteurs d’antan appelaient « le bonnet d’âne » et qu’ils distribuaient sans vergogne. Il est vrai aussi – ne fâchons personne – qu’à quelques occasions j’aurais tout aussi bien pu être digne, à cause de quelque bêtise, du « bonnet d’âne » que chacun mérite à un moment ou l’autre de sa vie.
Continué mon examen des travaux soumis pour le Prix de l’Economiste au Jury dont j’assure la présidence depuis la création du Prix.
Joué aux échecs en ligne.
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